Pour les balletomanes qui n’auraient pas encore eu leur dose de Tchaïkovski
et de paillettes en décembre à l’Opéra Bastille, le Royal Ballet propose ces temps-ci sa propre version de La Belle au Bois Dormant, chorégraphie
de Marius Petipa massacrée remaniée par Frederick Ashton, Anthony Dowell
et Christopher Wheeldon. Alternant distributions prestigieuses (Sarah Lamb et Steven McRae pour la première et la diffusion au cinéma, Natalia Osipova et Matthew Golding pour la dernière) et débuts dans les rôles (Yuhui Choe et Ryoichi Hirano, que j’avais aperçus en répétition, Vadim Muntagirov pour sa première
apparition avec la compagnie), la série s’étire de mi-février à mi-avril, entrecoupée
par les deux semaines de « break » de mi-saison. SOLD OUT
depuis des semaines, à 145€ le fauteuil d’orchestre (contre 8€ la place debout à
l’amphithéâtre), c’est l’occasion de remplir les caisses qui serviront à
amortir le coût des productions contemporaines.
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© Royal Opera House |
Quel dommage cependant, pour les spectateurs d’un soir, de préférer systématiquement
un gros ballet classique à un triple-bill plein de surprises ! Encombrée
et pauvre à la fois, cette production n’a rien de féérique. Avec ses fées titubantes
engoncées dans des costumes surchargés de broderies, le prologue laisse
présager le pire au charmant poupon : le soir de la première, aucune fée
ne tient sur ses pointes, pas même les (d’ordinaire) si gracieuses Yuhui Choe et Elizabeth Harrod. La palme de l’horreur revient à Laura McCulloch, que j’ai eu le bonheur
de retrouver deux fois en fée Lilas, dépourvue de toute légèreté et sans une
once de charisme. Les danseuses ne sont pourtant pas à blâmer, quand on sait
les merveilles dont elles sont capables en danse néoclassique ou contemporaine ;
la faute revient plutôt au coupable auteur de ces variations, qui parvient à
rendre maladroite même la sublime Melissa
Hamilton.
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© Yasmine Naghdi |
L’entrée d’Aurore après le premier entracte et une bien misérable
valse des fleurs, aux effectifs tellement réduits que la scène reste
désespérément vide tout au long du ballet, met fin à une heure d’attente
interminable. La luminosité des princesses du Royal Ballet nous fait rapidement
oublier la pauvreté des environs : Sarah
Lamb allie assurance et finesse (nul doute que sa peau serait marquée de
bleus si on glissait un petit pois sous son matelas), Marianela Nuñez rayonne et s’envole avec des sauts si élastiques qu’elle
semble encore prendre de la hauteur lorsqu’elle est dans les airs, la frêle Akane Takada déploie des trésors de
délicatesse lors de son unique représentation. A ses côtés, Vadim Muntagirov fait ses débuts au
sein de la compagnie qu’il a rejoint en janvier (après un début de carrière
fulgurant à l’English National Ballet) : à le voir évoluer en scène et
recevoir les applaudissements du public conquis par la fraicheur et l’amplitude
de sa danse, on a l’impression d’assister au retour de l’enfant prodige, tant
il semble ici à sa place.
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© Leena Hassan |
L’acte 3 de La Belle au Bois
Dormant est celui des personnages de contes de fée : Oiseau Bleu, Petit
Chaperon Rouge, Chat Botté... on devrait rire ou du moins sourire de leurs
apparitions malicieuses ou virtuoses ; à l’instar du prologue, leurs
apparitions sont cependant gâchées par une chorégraphie peu inventive et des
décors qui rappellent plus une fête paysanne qu’un Palais enchanté. La fée
Carabosse, lorsqu’elle est jouée par Kristen
McNally, est une vamp sexy et tyrannique ; interprétée par Elizabeth McGorian, c’est une femme
aigrie et hargneuse qui prend un plaisir cruel à ridiculiser Cattalabutte (Alastair Marriott – déjà assez ridicule
sans l’aide de personne). On est pour le moins soulagé de voir revenir, sans
pompe ni le moindre sens du timing, le couple princier pour le grand pas de
deux final : pyrotechnique avec Steven
McRae, plus mélancolique avec Federico
Bonelli (qui remplace Thiago Soares au pied lever). Le tube du mariage
retentit, les petites filles en robe de tulle rose dans la salle sont ravies et
les appareils photos crépitent pour le salut final.
To be continued...
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