Après une première journée riche en émotions, retour au Palais Garnier
pour assister à la deuxième partie du concours de promotion 2013 : les
variations des danseuses.
Un mot au passage sur la finalité du concours, chaque année vivement débattue
par ceux qui y assistent : comme je l’ai dit sur Twitter, le concours est
à mon sens bien plus une solution qu’un problème. Dans la plupart des
compagnies, le directeur artistique décide seul des promotions à la fin de la
saison. Je n’imagine pas un instant qu’on approuverait un tel « fait du
prince » en France. Le concours n’a pas tant pour objet de juger les
artistes que de légitimer leur promotion auprès de leurs collègues, ayant
valeur de rituel (on pourrait l’assimiler à une sorte de bizutage).
La seule chose qui me paraît viciée, c’est la composition du jury : si les 5 membres représentant la Direction ne sont là que pour appuyer des décisions qui auraient de toute façon été prises si le/la directrice du Ballet (en l’occurrence) avait eu la main, les 5 membres élus par les artistes du Ballet seraient apparemment à l’origine des résultats improbables que l’on voit chaque année. Je ne vois pas pour quelle raison une promotion au sein d’un système aussi hiérarchique devrait être soumise à l’approbation des pairs... et éventuels rivaux. Mais assez discuté, passons aux choses sérieuses !
La seule chose qui me paraît viciée, c’est la composition du jury : si les 5 membres représentant la Direction ne sont là que pour appuyer des décisions qui auraient de toute façon été prises si le/la directrice du Ballet (en l’occurrence) avait eu la main, les 5 membres élus par les artistes du Ballet seraient apparemment à l’origine des résultats improbables que l’on voit chaque année. Je ne vois pas pour quelle raison une promotion au sein d’un système aussi hiérarchique devrait être soumise à l’approbation des pairs... et éventuels rivaux. Mais assez discuté, passons aux choses sérieuses !
Classe des Quadrilles
La classe des quadrilles est la première à passer : elles sont 18
à affronter la retorse variation de Célébration,
ballet créé par Pierre Lacotte pour le gala du Tricentenaire de l’École française
de danse la saison dernière. Leurs confrères n’étaient que 7 à avoir eu l’inconscience
le courage de se produire dans la variation de Paquita tricotée par le même
chorégraphe mercredi. A ce niveau, l’enjeu
pour les danseuses n’est pas tant de surmonter la difficulté technique que de
montrer qu’elles sont sorties de l’école et dansent désormais comme des femmes.
Mission accomplie pour Leïla
Dilhac, qui est la première à me surprendre, d’abord avec une belle imposée
– hauteur des développés, vitesse des tours, impression globale de facilité –
puis une envoûtante variation de Manon.
Je suis incapable d’être objective sur ce ballet mais j’ai été instantanément captivée
par son jeu, ce qui n’était pas gagné après avoir vu toutes les étoiles du
Royal Ballet défiler dans ce rôle.
Deuxième agréable surprise avec Claire
Gandolfi, qui d’abord attire l’œil en se « promenant » dans l’imposée
(là où tant de ses consœurs se contentent d’exécuter proprement les pas) puis
en réussissant à se montrer convaincante dans la célèbre variation de Nikiya.
Du lyrisme et un joli potentiel quand on pense qu’il s’agit là d’un répertoire
d’étoile. Chapeau ! Le classement du jour semble toutefois avoir mis en
avant la note technique plus que la personnalité artistique.
Déjà en tête des pronostics pour son premier concours, Hannah O’Neill place la barre un cran
au dessus dans Célébration :
elle est la seule à avoir réellement fait vivre la variation, par des
épaulements et des impulsions de la tête et des mains, jusqu’à lui donner une
toute autre dimension. L’ensemble sublimé par un magnifique coup-de-pied, un
lever de jambe ravageur et un joli ballon. Coup de maître, sa variation de
Gamzatti, presque trop propre, dans le pur respect du style Opéra™,
paraissait presque fade en comparaison...
Etait-il plus désavantageux de passer après Mlle O’Neill que de passer
première ? La lettre D ayant été tirée au sort, Camille de Bellefon inaugurait la matinée. Judicieusement choisie,
la variation ondulante de l’Océanide (extraite des Noces Fantastiques de Serge Lifar) met ses belles lignes en valeur. Le style néoclassique réussit également à
Caroline Osmont qui propose une Cigarette pleine de caractère. D’autres
ont choisi William Forsythe, avec plus ou moins de bonheur, plutôt plus pour Léonore Baulac qui prend la deuxième
place du classement avec In the middle
après un début de saison très réussi.
Résultats des Quadrilles :
1. Hannah O’Neill, promue
2. Léonore Baulac, promue
3. Leila Dilhac
4. Laura Bachman
5. Jennifer Visocchi
6. Alice Catonnet
Classe des Coryphées
Midi, les coryphées prennent le relais. Contrairement aux hommes, on
voit nettement la différence de niveau chez les femmes, qui ont toutes cette
féminité recherchée plus tôt. La variation de la Flûte extraite de Suite en Blanc en imposée demande d’ailleurs
une compréhension du style et ne permet pas de se différencier par la technique
pure. Toutes ont quelque chose à raconter et le niveau très
homogène de la classe ne me permet pas de les différencier avant le passage des
variations libres.
Sae Eun Park, seule promue
alors que deux postes étaient ouverts – le jury n’étant pas parvenu à se
décider pour la 2ème place – met tout le monde d’accord par sa
technique superlative dans l’Automne de The Four Seasons. Letizia Galloni s’y
montre également pleine de légèreté tandis que Lydie Vareilhes s’amuse sur le tamtam du Grand Pas de Twyla Tharp
(qui a décidément des goûts réjouissants en matière de costumes et de musique).
Aubane Philbert dévoile ses talents
de tragédienne dans Clavigo (variation
de Marie) et Marion Barbeau sa belle
technique classique dans le Grand Pas
classique de Victor Gsovsky.
Charlotte Ranson est la seule à se lancer dans du contemporain en incarnant l’Élue du Sacre du printemps version Maurice Béjart. Un choc : la variation
est longue et semble extrêmement difficile, surtout pour une danseuse rompue à
la technique classique. Il faut dissocier le corps (l’effet obtenu n’est pas
sans rappeler les cours de mime présentés lors des Démonstrations), sautiller
sur un pied et garder de l’endurance pour l’explosion d’énergie finale, sans lâcher
son auditoire du regard. Qui soupçonnerait une telle puissance sous ce physique
de jeune fille en fleur ? Plus incroyable encore, l’absence de promotion,
mais on n’est pas loin d’y voir une explication à l’indécision du jury.
Résultats des Coryphées
1. Sae Eun Park, promue
Aucune majorité n’étant dégagée à l’issue du quatrième tour de scrutin pour la 2ème place,
le classement n’est pas effectué au-delà de la première place.
Aucune majorité n’étant dégagée à l’issue du quatrième tour de scrutin pour la 2ème place,
le classement n’est pas effectué au-delà de la première place.
Classe des Sujets
Traditionnellement le moment le plus attendu du concours : le passage
des solistes féminines en lice pour un poste de première danseuse. Pour la
première fois en deux jours, le balcon s’est rempli, et les « parents de » qui nous
avaient innocemment prêté leurs places au premier rang de loge les ont récupérées. Je n’assiste
donc pas à la totalité des variations imposées (Raymonda, acte 1 de Rudolf Noureev), réservant les acrobaties en
fond de loge pour les libres.
On commence en beauté avec l’Ombre des Mirages de Serge Lifar. Marine Ganio qui avait superbement
interprété cette variation l’an dernier semble avoir fait des émules :
elle aura été présentée trois fois par la seule classe des sujets. Inquiétante
et tranchante sous la poigne de Sara
Kora Dayanova, méconnaissable ; douce et apeurée avec Laura Hecquet ; évanescente avec Caroline Robert qui s’abandonne.
Autre chorégraphe favori du concours, Jerome Robbins, choisi par Charline Giezandanner avec le Printemps
des The Four Seasons – radieuse et
virtuose, mais peut-être justement trop printanière à cette période de sa
carrière – et Héloïse Bourdon qui propose
un travail tout en qualité de la 2nde variation de Other dances. A l’instar de Roland
Petit, représenté par Aurélia Bellet en
Carmen et la belle Sabrina Mallem en Esmeralda, il ne
semble pourtant pas être le meilleur gage de réussite à ce stade du concours.
Qu’attend-t-on d’une première danseuse ? Plus qu’une
double-pirouette ou un bel équilibre, c’est avant tout des qualités d’interprétation
et une assurance en scène qui puisse donner envie au jury de lui faire
confiance. Elle entre en scène et meuble l’espace vide, découvrant d’un regard
les personnages autour d’elle et le drame noué à l’acte précédent. En récréant ainsi
l’univers de La Bayadère sous les yeux du public, Amandine Albisson s’impose et confirme le
statut que ses récentes prises de rôle lui avaient permis d’acquérir.
Résultats des Sujets :
1. Amandine Albisson, promue
2. Laura Hecquet
3. Aurélia Bellet
4. Charline
Giezendanner
5. Héloïse Bourdon
6. Sabrina Mallem