Georgy Melitonovich Balanchivadze
(Saint-Pétersbourg 1904, New York 1983) était un chorégraphe qui aimait les
femmes, paraît-il, il m'a donc semblé approprié de lui en présenter une dizaine. Avec à
peine deux mois d’expérience de la vie parisienne, je n’ai pas perdu de temps pour
faire du prosélytisme. Mes tentatives de réserver auprès du service « Groupes » s’étant révélées infructueuses (le personnel ne manque pas d’amabilité
mais a le défaut de vous refuser tout net de choisir votre placement pour vous
refiler d’office les plus mauvaises places de chaque catégorie, ou encore de
vous presser de réserver au plus vite tout en ne répondant aux mails que tous les trois jours...) je m’en remets au guichet qui a vite fait de me
proposer un excellent rapport qualité-prix.
Myriam Ould-Braham © Cams |
Le Défilé du Ballet, qui n’a lieu qu’une fois par an à l’ouverture de
la saison (en dehors de quelques occasions très spéciales) est toujours un
moment plein d’émotion, dès l’entrée en scène des touts petits rats de l’École
de Danse. S’il n’est pas aussi excitant que le Défilé de la Royal Ballet School, dont une vidéo a récemment circulé sur Facebook, et ne suscite pas la
même réaction de la salle, il est empreint de majesté et d’une longue tradition
aristocratique. Quel bonheur de voir Myriam Ould-Braham enfin au rang qui lui
revient ; la nouvelle étoile a d’ailleurs droit aux applaudissements les plus
nourris de la soirée. Je cherche Clairemarie Osta du regard avant de me
souvenir qu’elle a fait ses adieux la saison dernière. La Marche des Troyens de Berlioz, aux accents martiaux moins
marqués qu’à l’ordinateur, est toujours aussi grisante.
Lorsque j’avais 13 ans, une prof
de danse m’avait fait danser des pas bizarres en tutu bleu romantique sur la Rhapsodie in Blue de Gershwin. Je
détestais au moins autant la musique que la chorégraphie. Étrangement, les
costumes de Sérénade m’évoquent aussitôt ce souvenir. Le ballet, qui
mériterait d’être vu de face plutôt qu’en manquant toujours au moins un quart de la
scène, renvoie une impression de langueur et de légèreté, parfois teintée
d’humour. Les nouvelles engagées dans le corps de ballet, très souriantes, ont
l’air de se faire plaisir sur la musique brodée par Tchaïkovski. Du côté des solistes, Mathilde Froustey s’impose avec naturel et enchaîne pirouettes
multiples et descentes de saut moelleuses avec une aisance inégalée. Ludmila
Pagliero est méconnaissable, voluptueuse dans les bras d’un Florian Magnenet que le pyjama bleu
réservé aux hommes sied à merveille (« il a l’air d’un schtroumpf »
dixit Amélie). Eleonora Abbagnato qui
fait son grand retour est rayonnante, son éloignement n’ayant visiblement pas
affecté sa technique. Autre revenant, Hervé Moreau, dont il aurait été bien
dommage de ne plus revoir les belles lignes à l’Opéra.
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Agon © Sébastien Mathé |
Là où Sérénade nous accueille à bras ouverts, nous emporte, nous perd en
chemin, vient nous récupérer, nous fait vibrer à nouveau, sans qu’on sache
vraiment à la fin quel était le fil conducteur, Agon s’appréhende comme
un bloc architectural, froid comme le marbre, tellement travaillé qu’il rend
inutile de chercher à rentrer dedans d’instinct : il faut cette fois trouver la
clé dans l’intellect. Sur les sonorités de Stravinsky
qui lui inspireront Rubis dix ans plus tard,
Balanchine cisèle des rôles de solistes pour une pléiade d’étoiles : Myriam Ould-Braham, souple et
malicieuse aux côtés de Christophe Duquenne, un Karl Paquette très jazzy et une Aurélie Dupont impériale, qui savoure un triomphe acquis d’avance
avec Nicolas Le Riche. Derrière eux,
la fine silhouette de Marion Bardeau, plaisir trop rare, et le port altier
d’Héloïse Bourdon, que sa danse pleine de caractère démarque du groupe.
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Fayçal Karoui |
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